• Petite couronne des 7 douleurs de Marie

     
     

     

    Petite couronne des 7 douleurs de Marie

    formée des 7 considérations et entretiens sur les souffrances

     

     

    Dévotion à Notre-Dame des sept douleurs

    D'après le pieux Carthagène et plusieurs autres graves auteurs, la dévotion à Notre Dame des Douleurs est un signe non équivoque de prédestination ; sainte Brigitte rapporte que la Reine des martyrs lui déclara que pour récompenser les fidèles qui honoreraient ses douleurs, elle les assisterait dans leur agonie avec une affection toute maternelle, et qu'elle adoucirait leurs derniers moments et les conduirait ensuite à la gloire éternelle.

    Nota. La statue de Notre Dame des sept douleurs est dans la première chapelle à droite en entrant dans l'église d'Ars. 
     

    Petite couronne des sept douleurs de Marie,

    formée des sept considérations et entretiens sur ses souffrances.

    PREMIÈRE CONSIDÉRATION. Crucifiement du cœur de Marie au crucifiement de son Fils.

    Le cœur de Jésus étant uni au cœur de sa sainte Mère par le sang et par l'amour, il s'ensuit nécessairement que les souffrances de l'un étaient communes à l'autre. Il y a plus, Marie aimant son divin Fils beaucoup plus qu'elle ne s'aimait elle-même, elle devait ressentir les douleurs de Jésus plus vivement que si elle les avait endurées dans son propre corps. Qui pourrait donc, je ne dis pas expliquer, mais seulement imaginer les angoisses mortelles, les déchirements de son cœur, lorsque, arrivée à la cime du Calvaire, elle vit dépouiller l'Agneau divin avec tant de violence que les plaies de son corps en furent toutes réouvertes ; elle vit Jésus couché sur la croix et offrant volontiers ses mains et ses pieds pour être cloués. Les bourreaux étendent cruellement la main droite du Sauveur, et ouvrant la paume ils y placent un clou meurtrier que l'un d'entre eux enfonce d'un coup si violent que le fer déchire ses tendons, perce les os et le bois de part en part. 0 atroce barbarie ! 0 tendre Mère ! le coup retentit dans son cœur déchiré, elle tombe et demeure quelque temps hors de ses sens. Le crucifiement continue et quand il est terminé on élève la croix sur la cime du Golgotha. En ce moment les cris de la multitude furieuse rappellent Marie de son évanouissement ; elle se lève tremblante sur ses pieds, elle lève les yeux et voit son amour crucifié, dont le corps est posé sur ses plaies, la tête baissée, n'ayant que son sang pour tout vêtement et expirant dans les convulsions et les angoisses du trépas ; elle voit le sang qui coule à flots de ses mains et de ses pieds cloués, sa tête qui ne peut s'appuyer sur le bois meurtrier sans que la couronne s'enfonce davantage. Elle voit.... 0 mon Dieu, elle finit par baisser les yeux, car elle ne peut plus tenir à une vue si horrible, cependant elle surmonte la nature, et du fond de l'autel secret de son cœur elle offre à la fois au Père Eternel la victime de son Fils crucifié et celle du martyre de son propre cœur.


    ENTRETIEN.

    0 sainte Mère ! je suis saisi d'effroi en pensant au martyre de votre cœur, sur le Calvaire. 0 mon Dieu, vous voyiez les marteaux lancés dans l'air, vous entendiez les coups redoublés, vous considériez les clous meurtriers qui attachèrent Jésus au bois infâme, le sang divin qui coulait de nouveau de ses plaies ouvertes, les convulsions, le tremblement, les angoisses de l'Agneau de Dieu ; vous pûtes voir tout cela et vous n'en mourûtes pas ; mais je comprends que vous fûtes seulement dans cette épreuve sans pareille par la volonté constante, invincible et héroïque que vous aviez de vous offrir aussi en sacrifice pour le salut du monde, et que vous, la mère du Sauveur, vous offrîtes ce même fils pour la même fin. Ainsi Jésus offrait son corps adorable en holocauste, et du fond de votre cœur vous immoliez votre esprit, et vous vous appliquiez à ne vouloir que ce qui était écrit dans le ciel soit sur votre Fils, soit sur vous, pour que les hommes fussent rachetés. 0 bonté, ô amour inexprimable, mais ô tendre coopératrice de notre rédemption, puisque vous avez tant souffert pour cette grande œuvre, faites au moins que je n'en perde jamais le souvenir.


    SOUPIR À MARIE.

    Pourquoi la douleur vous laisse-t-elle encore la vie, ô Mère affligée ? Pourriez-vous soutenir la vue de votre Fils crucifié et mourant ?

    Pater, Ave, Gloria Patri, etc.

     

    DEUXIÈME CONSIDÉRATION.

    Douleur de Marie au pied de la Croix.

    La douleur d'une mère qui voit mourir son fils est si vive, qu'il serait impossible de l'exprimer. 0 mon Dieu, quelle force supérieure n'a-t-il pas fallu à Marie au pied de la croix pour voir son Fils adorable lâchement trahi, renié, abandonné de ses plus chers disciples, en butte à la haine et à l'exécration des scribes et des pharisiens, et condamné par un juge inique à être crucifié !

    La croix, dit saint Bonaventure, tourmente deux victimes, Jésus-Christ dans son corps et Marie dans son âme : ô Vierge sainte, s'écrie-t-il, vous êtes dans la croix, où vous souffrez avec votre divin Fils, car vous y êtes crucifiée avec lui, à la différence qu'il l'est dans son corps, et vous dans votre cœur. O merveille, ô prodige étonnant ! vous êtes toute entière dans les plaies de Jésus-Christ, et Jésus crucifié dans le plus intime de votre cœur.


    ENTRETIEN.

    Vierge affligée, combien le glaive prophétique déchire votre cœur maternel ! si vous levez les yeux vous voyez le Fils le plus aimable et le plus saint sur un bois infâme, le corps appuyé sur ses plaies : si vous regardez devant vous, vous êtes témoin des dérisions des prêtres juifs, des blasphèmes des Pharisiens et de la joie féroce des ennemis de Jésus, qui se font un jeu de tirer au sort ses vêtements sacrés ; si vous jetez les yeux autour de vous, de toute part s'offre à vos regards affligés une multitude furieuse qui se moque de votre Fils et qui l'accable de reproches, de malédictions et de blasphèmes. Ah ! le péché est donc un mal horrible, puisque pour apaiser la justice divine il n'a rien moins fallu que l'immolation de l'humanité du sauveur et du cœur d'une Vierge mère. Ah ! de grâce, ô Mère de douleurs, faites qu'à l'avenir je ne retombe plus dans ce maudit péché et que je ne cesse jamais de compatir à vos douleurs.

    SOUPIR À MARIE.

    0 Marie ! si les anges pleurent en voyant mourir Jésus, quelle fut la douleur de votre cœur !

    Pater, Ave, Gloria Patri, etc.

     

    TROISIÈME CONSIDÉRATION.

    Douleur de Marie en voyant son Fils souffrir la soif sur la Croix.

    Le Sauveur crucifié ne se plaint ni de la croix, ni de la couronne d'épines, ni des clous, mais seulement d'une soif ardente ; J'ai Soif : sa plainte n'était que trop fondée, il a répandu presque tout son sang par les plaies dont il est couvert, et sa bouche divine devait être entièrement desséchée par la soif la plus intolérable. Qui pourrait exprimer la compassion et la douleur de Marie, lorsqu'elle entendit la plainte de Jésus ? Mon Fils, lui fait répondre saint Bernard, Je n'ai d'eau que celle de mes larmes. Mais quel surcroit à son affliction lorsqu'elle voit les juifs inhumains pousser la cruauté jusqu'à présenter au bout d'une canne un breuvage amer à ses lèvres desséchées !..0 cruauté, ô barbarie ! A la vue de ce traitement horrible, Marie pleura amèrement. Il me semble l'entendre dire en soupirant : mon Fils, puisque l'homme ne répond à votre amour immense que par une cruauté inouïe, puisque par la plus noire ingratitude il vous refuse quelques gouttes d'eau, désaltérez-vous au moins avec mes larmes et le sang de mes veines, et si vous désirez tant l'amour de vos créatures, je vous offre moi-même mon cœur pour coupe et mes affections pour étancher votre soif d'amour.

    ENTRETIEN.

    Vierge sainte, plus l'heure fatale approche, plus je vois augmenter votre martyre. 0 mon Dieu, à quel état vous a réduite la plainte du Sauveur mourant, sur sa soif ardente. Hélas, vous n'aviez pas de quoi le désaltérer, et cependant, loin de l'abandonner, vous eûtes la constance héroïque de l'assister jusqu'à la fin et d'être témoin de la cruauté des Juifs, qui l'abreuvaient sur la croix et au milieu de mille tourments, d'un fiel très-amer. 0 Marie, la plus outragée de toutes les mères, par la peine inexprimable que vous ressentîtes alors, faites que je puisse soulager la soif de Jésus par les larmes d'une sincère contrition.

    SOUPIR À MARIE.

    Je vous entends, ô Marie, dire à Jésus : ô mon Fils ! s'il faut une source de larmes pour vous désaltérer, que je ne cesse jamais d'en répandre.

    Pater, Ave, Gloria Patri, etc.


    QUATRIÈME CONSIDÉRATION.

    Martyre de la très-sainte Vierge à la mort du Sauveur.

    Le Sauveur avait passé trois heures dans l'agonie la plus douloureuse ; on voyait ses yeux éteints, ses joues horriblement creuses, sa bouche à demi ouverte et pleine de sang et de fiel ; une pâleur mortelle régnait sur son corps qui avait perdu tout son sang : ses bras et ses pieds étaient raides et retirés, le terme de ses souffrances approchait, et à la neuvième heure le Sauveur mourant prononça cet oracle mystérieux : Tout Est Consommé ; Il inclina modestement sa tête sur sa poitrine et rendit l'esprit. 0 mon Dieu ! ici la force me manque, pour exprimer le martyre de Marie désolée à ce spectacle ! Si le soleil s'obscurcit en ce moment, si les rochers se fendirent, si la terre fut ébranlée dans ses fondements, si les morts sortirent de leurs tombeaux, enfin, si la nature entière fut bouleversée et pleura la mort de son auteur, qui pourrait exprimer l'abîme de douleur et de désolation où fut plongée Marie en ce moment funeste ? 0 quel supplice immense et inexprimable ce dut être pour elle de voir expirer l'Homme-Dieu au milieu de mille supplices ! Ah ! la douleur de Marie fut si excessive, qu'on peut affirmer qu'après avoir partagé elle-même pendant trois heures les angoisses de l'agonie de Jésus, elle mourut en quelque sorte avec son Fils crucifié.


    ENTRETIEN.

    0 Vierge affligée, qui donnera à mes yeux deux sources de larmes continuelles pour pleurer nuit et jour votre douloureux martyre ? saint Ildephonse avait bien raison de dire que vos peines surpassèrent tous les supplices des martyrs. Saint Bernardin de Sienne n'était pas moins fondé à assurer que votre douleur au Calvaire, partagée entre tous les hommes, suffirait pour les faire mourir. Ah ! si c'est un prodige de la toute puissance divine que vous ne mourûtes pas quand votre Fils expira sur la Croix, il,me semble, ô tendre Mère, que c'est un prodige d'ingratitude de ma part de ne pas mourir de compassion pour vous. Daignez amollir mon cœur plus dur que les rochers, qui se fendirent au spectacle de l'horrible déicide et de votre cruel martyre. Et par la violence que vous vous fîtes alors, je vous conjure de m'assister à ma dernière heure, avec cet amour tendre qui vous animait à la mort de votre divin Fils. Obtenez.moi encore que je dise, en quittant cette vallée de larmes, ces dernières paroles : 0 Marie, ô mère de miséricorde ! je remets mon esprit entre vos mains et vous prie que mon dernier soupir soit : Jésus, Marie et Joseph.


    SOUPIR À MARIE.

    Hélas ! quel affreux martyre souffre Marie ! le cœur navré en fondant en larmes, elle meurt dans son Fils avant d'expirer elle-même.

    Pater , Ave , Gloria.

    Faire ensuite le Chemin de la Croix.

     

    CINQUIÈME CONSIDÉRATION.

    Le coup de lance qui perça le côté de Jésus après sa mort, blesse au vif l'âme de Marie.

    Après la mort de Jésus, sa sainte Mère demeura au pied de la croix ; pâle, désolée, accablée de douleur, elle attendait qu'on lui procurât la triste consolation de recevoir le corps de son Fils dans ses bras. Mais, ô mon Dieu, au lieu de trouver de la compassion, elle est témoin d'une nouvelle barbarie, elle voit le centurion Longin qui, pour s'assurer de la mort de Jésus, prend une lance effilée, s'approche de la Croix, vise au côté droit du Sauveur et, sous les yeux de Marie, y porte un coup si violent qu'il perce le doux cœur de Jésus. Alors elle vit s'accomplir les paroles de Siméon, qui lui avait dit : VOTRE ÂME SERA PERCÉE D'UN GLAIVE DE DOULEUR.

    0 bienheureuse Marie, ajoute saint Bernard, votre âme fut en effet percée du glaive quand la cruelle lance ouvrit le côté de votre Fils mort. Toute la douleur fut donc ici pour Marie, elle versa alors d'abondantes larmes, que saint Ambroise appelle à juste titre : Sang Du Cœur. Ah ! si, selon saint Jérôme, une piqûre d'aiguille faite à Jésus eût été un coup de lance pour Marie, quelle blessure ne dût pas faire à son âme le coup de lance donné à son Fils ? Hélas ! elle appuya sa tête languissante sur la Croix, et renfermée dans son manteau elle fut toute trempée du divin sang, qui tombait sur elle de la nouvelle plaie de son Fils. En ce moment cette Mère incomparable recueillit de son mieux le sang et l'eau qui tombèrent du côté du Sauveur, afin, dit saint Anselme, de les employer au salut de nos âmes.


    ENTRETIEN.

    Vierge sainte ! la triste prédiction de Siméon est accomplie en vous ! Votre belle âme est profondément blessée d'une cruelle lance, dans le cœur du Sauveur mort ! Oui, votre douleur en ce moment fut plus perçante que toute épée à deux tranchants et pénétra jusqu'à faire la dissection de l'âme et de l'esprit. Que ferai-je pour guérir une si profonde blessure ? Ah ! l'unique remède consiste dans l'abondance des larmes, dans une compassion tendre et sincère.

    Je me jette à vos pieds, pour vous dire que je compatis à vos peines du fond de mon cœur, et que je partage vivement votre douleur inexprimable ; je voudrais pouvoir vous arracher le fer meurtrier qui vous blesse et frapper mon cœur perverti, afin qu'il conçoive une vive douleur de mes péchés, qui furent la cause de vos innombrables tourments. Heureux encore si je me sens blessé de la pointe de ce glaive !

    SOUPIR À MARIE.

    Cruelle lance, tu cherches à tuer la Mère dans son Fils ! Voilà mon cœur, je ne veux plus vivre après la mort de mon Dieu.

    Pater, Ave, Gloria, Patri.

     

    SIXIÈME CONSIDÉRATION.

    Gémissement de la très-sainte Vierge à la descente de la Croix.

    Joseph d'Arimathie et Nicodème, disciples de Jésus, arrivèrent au pied de la Croix, avec les outils et les échelles pour en détacher Jésus. Ils y trouvent sa Mère désolée et impatiente de recueillir le corps de son Fils dans ses bras. Les pieux disciples, les larmes aux yeux, arrachent avec force mais respectueusement les clous. En ce moment Marie redouble ses soupirs, la tête sacrée de Jésus tombe sur sa poitrine et le corps entier sur les épaules des deux disciples. Anges de paix, qui pleurez amèrement, suspendez vos larmes ! Hâtez-vous de venir fortifier Marie, maintenant qu'elle reçoit contre son sein les membres froids de son cher Fils ! 0 mon Dieu ! quel spectacle ! quel tourment ! quelle immense douleur ! Ah ! c'est ici qu'on peut dire que Marie est une croix vivante d'angoisses et de déchirements ! Marie éplorée presse les divins membres de son Fils contre son cœur, mais ils sont glacés et défigurés. Au lieu de ce beau visage qui ravit les anges, elle n'a sous les yeux que des plaies sanglantes et d'horribles blessures, elle voit la couronne d'épines qui a percé cette tête auguste ! Elle sonde la profondeur des blessures et surtout de celle du divin côté et contemple un instant tous ses membres déchirés qu'elle inonde de ses larmes ! Pécheurs ! approchez et voyez les suites funestes de vos péchés ? Qui a blessé cette tête auguste, qui a percé ces pieds et ces mains, qui a ouvert ce cœur divin ? Ah ! voilà le fruit de vos crimes et de vos infamies !... Suivant saint Augustin, Marie, l'âme sur les lèvres, couvrit de ses baisers et de ses larmes, le visage divin, les mains augustes et les membres ensanglantés de son divin Fils. Et si, comme saint Germain l'assure, Marie, à force de pleurer, finit par répandre des larmes de sang, il s'ensuit que la Mère arrosa de ses larmes vermeilles le corps de son Fils, et que réciproquement le Fils teignit du sang de ses plaies le visage éclatant de Marie...

     

    ENTRETIEN.

    0 sainte Mère de Dieu, quel cruel moment pour vous ! le cœur me manque en vous voyant pleurer sans la moindre consolation sur la mort de votre divin Fils. Hélas ! que mes péchés l'ont défiguré, et quels châtiments ne m'ont-ils pas mérités ! Ah ! tendre Mère, Mère désolée, comment pourrai-je réparer un si grand mal ? Que voulez-vous que je fasse ? que je déteste mes fautes ? je les déteste. Que je compatisse à vos souffrances ? Ah ! amollissez mon cœur, afin que je remplisse dignement ce devoir de religion. Enfin, par votre compassion et votre douleur à la vue de Jésus mort, ne permettez pas que par de nouvelles fautes j'accumule de nouvelles cruautés sur le corps de votre Fils et de nouvelles rigueurs sur votre cœur affligé.

    SEPTIÈME CONSIDÉRATION.

    Sanglots de la très-sainte Vierge pendant la sépulture du Sauveur.

    Le pieux Joseph d'Arimathie et Nicodème attendaient le moment d'embaumer le corps de leur divin maître, pour le placer ensuite dans le tombeau ; mais le jour déclinait et ils voyaient que sa Mère affligée ne pouvait arrêter le cours de sa douleur, et dans la crainte qu'elle n'expirât sur son Fils mort, après un doux combat de compassion, ils lui ôtèrent respectueusement cet objet chéri et l'étendirent sur un linge blanc. Marie voulut encore, suivant un grave auteur, aider à rendre ce dernier devoir. D'une main respectueuse et tremblante, elle enleva de la tête de Jésus la couronne d'épines, mais les sanglots lui rendaient la respiration pénible, elle avait peu de force pour arracher les épines, et à la vue de ces profondes plaies et des chairs déchirés de toutes parts, et dans les endroits les plus sensibles, elle pleurait amèrement en fermant les yeux et la bouche de son Fils ; elle essuya le sang des blessures et des plaies, et lui rangea décemment les pieds. Mais, suivant la révélation de sainte Brigitte, malgré tous ses efforts, il lui fut impossible de plier les bras du Sauveur... Jésus voulant montrer par là qu'il les tient toujours ouverts pour recevoir les repentants. Les disciples environnèrent le corps d'aromates, suivant l'usage des Juifs, et l'ayant enveloppé d'un suaire, ils le portèrent dans un jardin près du Calvaire, où était un tombeau taillé à neuf dans le roc. Le corps de l'Homme-Dieu porté sur les épaules des pieux disciples, ouvrait la marche, venait ensuite le disciple bien-aimé plongé dans la douleur, puis les Maries en pleurs qui assistèrent jusqu'à la fin au sacrifice sanglant, et qui soutenaient la Vierge désolée, qui, à demi morte, voulut accompagner son Fils au tombeau ; mais quand elle vit qu'on y déposait le corps adorable de Jésus !  quel coup mortel pour son cœur ! Elle se jette elle-même sur le corps divin, elle demande avec larmes qu'on lui découvre encore ce visage sacré, elle veut le voir et lui donner un dernier baiser ; elle l'étend et l'enveloppe de ses propres mains, et pendant qu'elle l'adore profondément, elle sent défaillir son cœur maternel par la violence de la douleur !... Elle ne peut s'en séparer et semble demander par ses soupirs et ses sanglots d'être ensevelie avec son Fils bien-aimé. A ce spectacle, les fidèles disciples et les pieuses Maries pleurent d'attendrissement et de compassion. Saint Jean verse des larmes encore plus abondantes que les saintes femmes ; enfin, la Mère de Dieu mourante fait son dernier adieu, et une grosse pierre ferme le monument. Mais alors quel redoublement do sanglots ! Marie colle ses lèvres décolorées par la douleur, sur cette pierre fortunée, qu'elle inonde d'un torrent de larmes...

    ENTRETIEN.

    Mère désolée, vous confiez enfin au tombeau le corps sacré du Sauveur ; quelle cruelle séparation ! Oui, c'est ici le plus dur moment de votre martyre. Votre tendresse va donc survivre à la mort douloureuse d'un Fils adoré, sans contempler même sa froide dépouille. 0 douleur au-dessus de toute force humaine ! Si le doux Jésus, pendant sa vie, se troubla vivement, au tombeau de Lazare, parce qu'il était son ami, quelle dut être l'émotion de votre cœur maternel, au tombeau d'un Fils infiniment aimable, d'un Fils Homme-Dieu ! Cette seule pensée attriste l'âme et la trouble, elle glace le cœur. 0 Vierge désolée, je ne puis vous consoler, car vous ne pouvez plus recevoir de consolations humaines. Mais par votre douleur incompréhensible, consolez vous-même mon malheureux esprit dans ses épreuves ; faites-moi mériter de pleurer avec vous auprès du divin tombeau, pour que j'arrive un jour à une résurrection glorieuse et immortelle.

    SOUPIR À MARIE.

    Qu'on ne me dise plus : le Seigneur est avec vous, puisque la douceur de ma vie et la lumière de mes yeux, n'est plus avec moi.

    Pater, Ave, Gloria.

    CONCLUSION.

    Tristesse et espérance de Marie après la mort de son divin Fils.

    La très-sainte Vierge, ne pouvant plus voir sur la terre son amour crucifié, depuis sa glorieuse ascension au Ciel, espérait qu'elle pourrait trouver quelque consolation dans la possession des instruments de la passion, dont la vue lui aurait rappelé son bien-aimé.

    Elle désirait conserver ses clous et la couronne d'épines, consacrés par le sang du Sauveur.

    Mais, suivant Baronius, cela ne fut pas en son pouvoir, car les Juifs avaient la coutume d'ensevelir avec le corps des condamnés les instruments de leur supplice, comme sujets à la même malédiction.

    En conséquence, les clous et les épines furent ensevelis avec Jésus-Christ, et la Croix qui n'aurait pas pu entrer dans le tombeau, fut enterrée séparément.

    Suivant plusieurs graves auteurs, la très-sainte Vierge réussit à recueillir respectueusement et à conserver un peu du sang précieux et de l'eau mystérieuse qui sortirent du côté de Jésus.

    Elle retint aussi de petits linges teints du divin sang, sans parler de diverses empreintes qu'en avaient conservées ses vêtements !

    Or, ayant presque toujours sous les yeux ces reliques sanglantes de la cruelle passion de son Fils, que de soupirs, que de larmes cette vue ont dû lui arracher !

    On peut aussi affirmer sans crainte que dès l'instant funeste où son divin Fils fut mis dans le tombeau, son âme fut dans une affliction continuelle, et que, non contente de renouveler ses peines par la vue de ses objets, elle parcourait tant qu'elle vécut les lieux consacrés par le sang de l'Homme-Dieu.

    Son imagination lui retraçait très-souvent les nombreuses et déchirantes particularités de la passion et de la mort de son Fils.

    Enfin, la vie de la Mère de Dieu fut dès-lors une vie de retraite, de  prières et de souffrances, jusqu'à ce que son divin époux lui lança un trait d'amour plus ardent qui la pénétra tout entière et l'enleva à cette vie pénible et mortelle.

     

    Source : Livre "Délices des pèlerins de la Louvesc ou exercices de dévotion qui se font à la Louvesc" par Jean-Marie Vianney